C'EST L'HISTOIRE DE MA VIE.

Souvenir de: Miranda Powells
Date: 12 juin 2009
Lieu: bureaux du journal 'Toronto Life', Toronto, Canada.
Titre: notre premier regard signa ma perte.
« Gaïa ! Gaïa arrêtes ça, pas au bureau enfin ! » Je ne suis pas très convaincante c'est vrai. Mes mains s'aventurent d'elles même dans son dos alors qu'un souffle dans mon cou me fait frissonné. Elle sait comment me faire perdre la tête. Je n'ai jamais le dessus, pas même sur moi-même, quand elle est dans la pièce. Il suffit qu'elle me regarde avec ses grandes prunelles bleues si malicieuses pour que je perde les pédales. Ça devient difficile à vivre, mon mari commence à se faire suspicieux. Je m'absente de plus en plus souvent pour rester au boulot, parce qu'au boulot elle est là. J'ai parfois même l'impression qu'elle m'y attend. Je peux arriver en plein milieu de la journée, alors que tout le monde travail, elle aura un petit truc pour moi comme si elle savait que j'allais venir. C'est assez difficile à se l'avouer, mais j'aime me sentir désirée comme elle le fait. C'est plaisant. Quand on ne trouve plus de bonheur à revenir auprès de son homme et de son fils, savoir qu'il y a quelqu'un quelque part qui vous veut, ça fait du bien. « Allez !!! S'il te plait ! Je dois y aller c'est une question de vie ou de mort ! Je stagne là, y a plus rien d'excitant d'écrire dans cette fichue rubrique "événements". J'en ai marre de couvrir des trucs comme le plus gros cookie de Toronto ou la fancy-fair des gosses de l'école du coin. C'est lourd !!! Pitié, achèves moi tout de suite ou laisse moi faire ce reportage ! ». Sa voix se fait plus suppliante que jamais, ce qui me fait rire légèrement. Je me retrouve coincée, je sais qu'elle a le potentiel pour le faire ce reportage. Après tout, c'est pour ce potentiel, tous les jours grandissant, que je n'ai pas hésité une seule seconde à l'engager malgré son très jeune âge. Mais elle n'est là que depuis trois mois et le papier est déjà confié à une autre de nos bonnes journalistes qui compte sur cette article pour, elle aussi, faire ses preuves et changer de section. C'est déjà la deuxième fois que j'évince une personne de mon équipe pour qu'elle ait plus intéressant que la rubrique nécrologie. Les gens vont commencer à se poser des questions et ça, c'est mauvais pour moi. Pourtant, alors que ses lèvres s'accrochent aux miennes, j'ai l'impression qu'elle vient de gagner la bataille et soupire. « Gaïa je t'en supplie, je t'ai déjà fait passer devant plusieurs fois. Je peux pas te donner tous les articles que TU veux, il y a une certaine hiérarchie à respecter. Je... » n'ai pas le temps de terminer ma phrase, ses mains se sont aventurer sous mes vêtements et une légère succion dans le cou m'arrache un gémissement. Quelle grognasse, comment je vais faire pour cacher un suçon ? On est en plein été ! Ça la fait rire, je la sens dans mon cou prendre un malin plaisir à se venger de mon refus. Qu'elle grognasse, elle l'aura son papier.



Souvenir de: Jean-François Commeau
Date: 25 octobre 2005
Lieu: rues de Toronto, Canada.
Titre: je suis tellement désolé.
« Gaïa, dis moi que c'est une blague. » Elle me rit au nez, saoule comme un cochon et ce, depuis un bon moment apparemment. Je ne l'avais jamais vue comme ça, tenant à peine sur ses pieds, insultant le premier passant en riant, les yeux vides et fuyants. Je suis obligé de la tirer derrière moi par le poignet pour qu'elle me suive. Je la lâche quelques secondes et elle repart dans l'autre sens en rigolant. « Tu es pitoyable Gaïa, vraiment ! ». Encore une fois ce n'est qu'un gloussement qui me répond. Elle s'arrête, je la tire plus fort, mais elle tient bon. Obligé de me retourner pour la fusiller du regard, je me rends compte qu'elle n'a plus du tout l'air d'avoir envie de rire. Ce changement soudain me perturbe et pourtant ça lui est tellement commun. Elle passe du fou rire à la crise de nerfs en quelques secondes depuis toute petite. Je n'arrive pourtant pas à m'habituer à cette lueur malsaine qui s'allume dans ses beaux yeux bleus quand elle est sur le point de se mettre en colère. Peut être aurais-je pu être plus diplomate c'est vrai. J'ai été jeune moi aussi et il m'arrivait de finir dans son état, mais pas si jeune. Mon bébé n'a que quinze ans et même si elle en fait facilement trois de plus, je ne suis pas encore prêt à la voir dans un tel état. Je m'apprête à l'attraper par les épaules, mais au moment où je la touche elle se dégage violemment. Je mets cette méfiance sur le compte de l'alcool et retente le coup, cette fois elle hurle. « Me touches pas ! ». Ses yeux brillent de nouveau, mais ils ont une teinte et une expression inquiétante. Son frêle petit corps de jeune femme commence à trembloter. Sans que je m'y attende elle se remet à hurler. « JE suis pitoyable !?! JE SUIS PITOYABLE !?!». C'était pas ce que je voulais dire, je crois qu'elle le remarque dans mon air désolé, mais ça ne la calme pas. « NON, ne me regarde pas comme ça. C'est exactement ce que tu voulais dire ! Tu viens me rechercher quasiment tous les soirs complètement saoule, tu dois répondre de toutes mes conneries et dépenser ton fric dans mes cautions. Bien sur que je suis pitoyable, mais tu es extrêmement mal placé pour me reprocher quoi que se soit ! » J'avoue que sur ce coup là je ne comprend pas et elle semble le remarquer, car de nouveau un rire s'échappe de ses fines lèvres. Ce n'est pas un rire heureux, en fait il me glace sur place. « Tu l'as laissée partir sans rien dire ! Tu savais qu'elle serait restée si tu lui avais demandé, mais t'as pensé qu'à ta pomme ! Tu vois pas qu'on en peut plus de partir tous les étés, qu'on en peut plus d'espérer à chaque fois qu'on vous voit vous bécoter ? » Je baisse les yeux, quelque chose me chiffonne. On aurait dit qu'elle essayait de trouver une excuse pour me crier dessus, ses yeux semblaient plus déborder de désespoir que de colère. Elle n'arrive pas à me dire ce qu'elle veut vraiment dire, je le sens. C'est ma fille tout de même. « Tu n'as jamais rien dit à ce propos, pourquoi est ce que tout d'un coup notre divorce te pèse ? En plus tu adores retourner à Hanovre. Ce n'est pas pour ça que tu es en colère Gaïa... Qu'y a t-il ? » Je m'approche doucement, la voir dans cet état me retourne le coeur, mais je ne veux pas qu'elle fuit. Ses yeux s'embuent d'un coup, quelque chose cloche ! J'ai beau réfléchir, je ne comprends pas. Elle n'avait jamais fait d'esclandre, elle avait toujours été quelqu'un de responsable et puis, tout d'un coup, elle commence à péter un câble. Depuis près de trois ans je ne reconnais plus ma propre fille. Mes amis m'ont dit que c'était la crise d'adolescence, mais je n'y crois pas beaucoup. Quelque chose cloche, et ça m'énerve de ne pas savoir quoi. J'ai conscience d'être peu présent, je suis forcément passé à coté de quelque chose. « C'est à cause de mon travail ? » Je regrette rapidement mes mots, bien sur que non ça ne pouvait pas être ça. J'exerce le même métier depuis qu'elle est toute petite, elle ne s'en plaindrait pas d'un coup. Et puis je connais ma fille, elle n'hésite jamais à dire ce qu'elle pense, si c'était réellement mon boulot elle m'aurait déjà fait la remarque depuis longtemps. Ça devait être quelque chose de grave, de très grave, et je dois avouer que plus je vois les larmes couler le long de ses joues, plus je m'inquiète. « Luna, que s... » « TAIS TOI !! Ne m'appelles plus jamais comme ça ! Je hais ce surnom et je hais Hanovre !! » Elle sanglote et ses jambes semblent prêtes à lâcher sous son poids. Je ne tiens plus et tente une nouvelle fois de l'enlacer. Elle se laisse faire et fond en larme sur mon épaule. Je n'aime pas ça, je ne l'avais encore quasiment jamais vu pleurer de la sorte... j'allais de nouveau lui demander ce qu'il se passait lorsqu'une complainte tremblotante s'éleva dans le creux de mon cou. Un complainte qui me retourna les entrailles et me fit trembloter de rage. « Luna ma jolie Luna, tu as la peau si douce. Luna, viens t'assoir près de moi. Luna ma jolie Luna, tu aimes quand on dort tous les deux n'est ce pas ? Luna, écoutes moi, il ne faut rien dire à tes parents, tu comprends hein ? Luna, si tu parles, il ne t'arrivera rien de bon. Tu le vois ce grand couteau Luna? Tu n'aimerais pas le voir de plus près n'est ce pas !?! Luna déshabilles toi ! Que tu es belle ma jolie Luna. MAIS VOYONS LUNA NE FAIS PAS TA PRUDE, ÉCARTES LES JAMBES ! T'AURAIS PU METTRE CES BEAUX SOUS VÊTEMENTS QUE TU PORTAIS LA PREMIÈRE FOIS ! POURQUOI TU NE M'AIMES PAS MA JOLIE LUNA ?»





Souvenir de: Miranda Powells
Date: 26 décembre 2009
Lieu: bureaux du journal 'Toronto Life', Toronto, Canada.
Titre: je te déteste, si tu savais comme je te déteste
« Comment ça tu t'en vas ? Je... mais... tu... ». Je n'arrive plus à penser, mes mains tremblent sans que je ne puisse y faire quoi que se soit. Tout ça pour ça ? Rien n'était vrai. Je n'arrive pas à croire que je me sois ainsi faite bernée. En fait je n'arrive pas à croire qu'elle m'annonce réellement son départ imminent. Elle qui me promettait tant de choses. Tout était faux, elle ne faisait que se servir de moi. J'ai marché, j'ai couru même. Je l'attrape par la main et la tire à l'écart. Il ne faut pas que les autres nous voient, enfin surtout pas qu'ils me voient. Comment leur expliquer les larmes qui commencent à couler le long de mes joues ? « Pourquoi ?». Je n'aime pas le sourire qu'elle m'offre. Il a quelque chose de méchant, elle se moque. Elle semble amusée de me voir aussi fébrile. Je me rends bien compte que je suis soudainement pitoyable à ses yeux et je m'enfonce en réitérant ma question. «Pourquoi ? » Cette fois, un très léger rire s'immisce entre ses lèvres qui m'attirent tant, sa main douce se pose sur ma joue et la tapote moqueusement. «Par ce que j'ai plus d'ambitions que celle qui consiste à zoner dans ce journal pourri et obsolète tout en me tapant ma patronne mariée pour décrocher des articles plus ou moins potables. Cela t'étonne !?! » Je ne sais même pas quoi répondre, les larmes se mirent à couler plus fort. Le bruit de fond hyper désagréable de mes pensées en vrac, m'empêche de réfléchir plus loin que "elle s'en va, elle me laisse seule." Comment ais-je pu tomber sous le charme d'une telle garce !?! Elle reste là, à me regarder avec un petit regard de vainqueur. C'est moi qui avait parler d'elle et donner ses différents essais à un ami rédacteur en chef dans un magazine de musique. Elle voulait changer de branche, la musique était sa passion et j'étais prête à l'aider. Elle m'avait promis qu'on continuerai à se voir aussi souvent que je le voudrais. En y repensant, quelque chose me chiffonne soudain. «Comment ? Comment as tu fais pour trouver une telle place ? Hollywood... tout le monde en rêve ! » Alors que je persévère dans mon questionnement, son sourire s'agrandit légèrement et une lueur que je connais bien pour l'avoir tant cherchée, s'allume dans le fond de ses yeux. «Tu... tu as... ». «Oh, il est plutôt bel homme tu sais, ce n'est pas comme si ça avait été une corvée de lui soutirer un peu d'aide... en fait vous devriez bien vous entendre tous les deux. Vous avez pas mal de point commun. » «COMME CELUI D'AVOIR FINI DANS TON LIT ? » alors que je m'énerve enfin, elle rigole. « Entre autre... » avoue t-elle d'une voix mielleuse qui, quelques jours plus tôt, gémissait encore mon prénom. Tout au plus ces souvenirs me laissaient maintenant un goût amère dans la bouche. Elle me dégoute ! Et pourtant je la laisse faire, je la laisse poser une dernière fois ses lèvres sur les miennes et s'en aller avec un petit clin d'œil. Je crois qu'elle me murmura un merci en partant. Juste un merci.



Souvenir de: Jean-François Commeau
Date: 8 mars 2006
Lieu: nouvelle maison d'Alina Haüser Commeau, Magdebourg, Allemagne
Titre: O R D U R E
"Justice a été rendue, la jeune Gaïa Commeau et sa famille peuvent enfin souffler. Après près de six mois de procédure, suffisamment de preuves ont été récoltées pour juger Anton Haüser. Condamné coupable pour viol sur mineur, l'homme purgera sa peine de 8 ans fe..." Je n'arrive pas à continuer ma lecture. Je devrais me sentir soulagé de savoir cette ordure derrière les barreaux et pourtant quelque chose continue de gronder en moi. Il mériterait de mourir !!!



Souvenir de: Alina Haüser Commeau
Date: 15 juillet 1995
Lieu: maison d'Anton Haüser, Hanovre, Allemagne
Titre: ma mémoire est audio-visuelle.
« Tu es lourd Guillian, tu peux marcher à ton âge. » je pose mon fils par terre, sous une pluie de protestations. De tous mes fils, c'est le plus collant et pourtant, il va bientôt avoir six ans. Ça me plait. Je ne les voit pas très souvent alors leurs câlins incessants me font du bien. « Aller, viens. On va chercher ta petite sœur pour faire une vidéo pour papa. » Il fait la moue deux trois secondes puis me sourit et s'en va en courant vers la maison. Il sait où est sa sœur. N'importe où, n'importe quand, il le sait. Il l'adore. Quand il n'est pas collé à moi, il est collé à elle. Je le suis en souriant, passant par la salle à manger pour sortir notre toute nouvelle caméra, je le retrouve assis à coté de Gaïa dans le canapé du salon. Anton, mon nouveau mari, y est aussi. Ils regardent un dessins animé qui n'a pas vraiment l'air de plaire à Gaïa d'ailleurs. Cette dernière tourne ses grands yeux bleus vers moi avec un rayonnant sourire. Ça peut paraitre anodin, mais ses sourires, j'en ferais une cure de désintoxication tellement j'y suis accro. C'est ma seule fille, après quatre garçons. Pour moi, nous avons un lien privilégié. Je lui souris en retour et fond lorsque sa petite main se pose devant sa bouche pour finir par m'envoyer un baiser volant. Elle remarque rapidement que je tiens la caméra et ses yeux se remettent soudain à briller de bonheur. « On va faire une vidéo pour papa ? ». Je n'ai qu'à hocher la tête pour qu'elle se lève et me rejoigne en sautillant, sous le regard amusé de mon mari. Il s'entend bien avec tous mes enfants, j'en suis heureuse. Surtout avec Gaïa en fait, il dit toujours "elle deviendra quelqu'un cette petite, elle sait ce qu'elle veut." ou "C'est fou de savoir autant de chose à son âge !" ou encore "elle a de l'or dans les mains, tu l'as entendu jouer tout à l'heure ? Il ne lui a fallu qu'une semaine pour apprendre cette comptine, c'est dingue !" c'est vrai que Gaïa nous montre une véritable vivacité d'esprit depuis sa naissance et ses passions pour la musique et le dessin ont, aussi loin que je me souvienne, toujours été. Anton adore lui apprendre des choses telles que les proportions ou la perspective. Le pire c'est surtout que, malgré ses quatre ans, elle intègre tout ce qu'il lui dit. Moi, je passerais des heures à lui apprendre le piano, c'est la seule qui s'intéresse à cet instrument et ça nous permet de passer de longs moments rien qu'à nous. L'année dernière, alors qu'elle n'avait que trois ans, je l'avais emmenée à un concert de jazz. Elle n'avait pas quitté le pianiste des yeux et son sourire enchanté, ravissait nos voisins de siège. A se souvenir, j'oubliais totalement la raison de mon arrivée dans le salon et je du m'y remettre à plusieurs fois pour revenir sur terre. Anton me regardait amusé et me désigna d'un mouvement de tête le jardin, où Guillian et Gaïa faisaient la toupie en m'attendant. Il furent très vite rejoins par deux de leurs frère. Le dernier, l'aîné, devait être au terrain de foot avec ses copains. Je les rejoignis, pressée de voir ce qu'ils allaient de nouveau inventer pour cette nouvelle vidéo. Il y en avait déjà eu tant. C'était une idée que j'avais trouvé amusante. Lorsque j'avais divorcé de leur père, alors que Gaïa n'avait que deux ans, et que j'étais revenue m'installer dans mon pays d'origine, mes enfants m'avaient affreusement manqués. Ils ne venaient que pendant les vacances d'été et de pâques, le reste du temps ils étaient à Toronto. Pour palier au manque en attendant les prochaines vacances, j'avais prit le plus de vidéos et de photos possible. Puis m'est venu l'idée de les envoyer à mon ex-mari, pour qu'ils ne lui manquent pas trop quand ils étaient chez moi. De là est parti une correspondance vidéo régulière. On s'envoyait le plus d'images possible de nos enfants pendant qu'ils étaient chez l'autre. C'était une manière de les voir grandir tous les deux et de les avoir avec nous tout le temps. Pour eux, c'était un jeu et ils mettaient toujours beaucoup d'énergie à réussir chaque vidéo.
Je m'assieds dans l'herbe face à mes enfants et mets en route le caméscope. Leurs rires s'inscrivent sur la bande alors qu'ils s'arrêtent tout doucement de tourner et me rejoignent en chavirant. Après une dizaine de minute de baragouinages et de rires, Gaïa me traina de nouveau au salon, où elle s'installa derrière le grand piano pour jouer à son papa la nouvelle chanson que je lui avait apprit quelques jours plus tôt.
Je garde précieusement chaque vidéo d'eux. Un jour, quand ils seront grands, on se rassemblera tous. Moi, leur père et eux, et on passera nos journées a revisionner les souvenirs de leurs enfances. En attendant, je ne veux pas qu'ils grandissent, je veux qu'ils restent mes enfants pour toujours.





Souvenir de: Gauvin Commeau
Date: 22 décembre 2009
Lieu: appartement de Gauvin Commeau, Montréal, Canada
Titre: c'est mon joyeux non-anniversaire et pas à toi !
« JOYEUX ANNIVERSAIRE FRANGINE ! », la demoiselle à mes cotés sursaute devant tant d'enthousiasme et semble râler de se faire ainsi réveiller, mais je m'en contre fiche. Ce sont les dix-neuf ans de ma petite sœur, cela mérite bien tous les désagréments du monde. A l'autre bout du fil, un rire qui me manque tant me répond. « Merci mon cœur. » Elle a l'air un peu dans le pâté, à tous les coups je l'ai réveillée et j'en suis plutôt fier. Je ris, et l'autre conne à coté de moi me fait les yeux noirs, je la snobe totalement. Qu'elle aille prendre une douche au lieu de m'ennuyer. Je parle à ma sœur !! « Tu me manques ma puce! Quand est ce que tu viens me voir à Montréal qu'on s'amuse un peu !?! », encore une fois c'est un petit rire endormi qui me répond. Quelle répartie de si beau matin, c'est bien ma sœur, un peu longue à se réveiller. « Je ne sais pas, j'essaye de monnayer quelques congés avec mes collègues cette après-midi justement. Quand est-ce que ça t'arrangerait ? » Elle chuchote, j'en conclu qu'elle n'est pas seule ce qui me fait sourire. Pas surprenant quand on connait le phénomène Gaïa, une vraie débauchée ! Ce n'est que lorsque j'entends un robinet couler que je suis certain qu'elle est enfin sortie de son lit. La blonde à coté de moi profite d'un petit blanc pour se coller à moi, ce qui eut le don de m'énerver. Elle avait de grands yeux de chat, verts, et me fixait étrangement. J'avais l'impression qu'elle attendait quelque chose. Un baiser, une caresse, un bonjour peut être. Go to hell, j'ai autre chose à faire. Je me lèves, ramasse ses affaires et lui lance sans ménagement. « Tu fermes la porte en partant s'il te plait. Passes une bonne journée. » de l'autre coté du fil j'entends ma sœur glousser. « Je parie que tu ne sais même pas me dire son prénom, goujat ! » «Parce que toi tu sais me dire comment il ou elle s'appelle peut être !?! » lui répondais-je en riant. Bon c'est vrai que je n'étais plus tout à fait certain du prénom de l'autre blonde occupée à se rhabiller dans ma chambre, on était un peu bourrés déjà quand elle me l'avait dit. Je fis néanmoins un effort conséquent et revins dans ma chambre, où elle pestait pour enfiler son pull. « C'est quoi encore ton prénom ? » vu le regard qu'elle me lança, elle n'avait pas franchement l'air ravie de mon oubli. Elle consentit néanmoins à me donner son prénom, encore une fois. Je retournai tranquillement m'assoir sur le comptoir de la cuisine où je repris mon téléphone. « Isabelle ! » « Brian.» « T'es allé lui redemander ? » « Non je le sais c'est tout ! » je m'étonnes, elle devient bien la petite ! Ça ne veut dire qu'une seule chose. « Donc, c'est pas la première fois... quand est ce que tu nous le présente ? » Elle rigole et un bruit bizarre me parvient. On aurait dit qu'on tapait sur un mur ou qu'on tentait de défoncer quelque chose. « Tu fais quoi là ? » «J'essaye d'ouvrir la porte fenêtre ! C'est une saloperie ! » « Fumer c'est mal, surtout si tôt dans la journée ! Arrêtes ça ! En plus t'as pas de porte fenêtre dans ton appartement ! T'es pas chez toi... T'es chez lui !?! Oulalalala fille c'est sérieux tout ça ! » « De un, je t'emmerde et de deux c'est pas uniquement pour fumer, c'est pour ne pas qu'il m'entende quand il se lèvera ! De trois: je suis à l'hôtel, va pas te faire des idées.» Désormais seul dans mon appartement, je souris. Sacrée frangine. « L'hotêl, c'est pire encore ! Alors dis moi, quoi de neuf à Hollywood ? Papa m'a dit que t'avais obtenu deux-trois interviews sensationnelles ? » Je hais le bruit du briquet quand il est mêlé à la vie de ma sœur, pour la forme, je grogne et grimace, mais elle ne peut le voir à l'autre bout de l'Amérique. J'attends plusieurs secondes avant qu'elle ne prenne le temps de me répondre. « Ouais !!! J'adore ce magazine ! J'ai enfin l'opportunité de voir du monde. La semaine dernière je suis allée à Osaka pour interviewer le dernier groupe de rock japonnais "à la mode". Je les connaissais pas d'Eve ni d'Adam, mais ils sont intéressants en fin de compte. » « Rho le Japon, mon rêve ! Spèce de pétasse t'aurais pu me prendre dans ta valise ! » Elle rigole, mais je sais qu'au fond elle aurait adoré pouvoir me prendre avec elle. Je suis heureux pour elle, elle semble se plaire dans ce magazine et s'épanouir de jour en jour. Même si elle est loin et qu'on a toujours pas l'habitude d'être séparés avec les autres frangins et elle, ça me plait de la savoir là-bas. C'est là qu'elle devait être et c'est là qu'elle est. « Et Marilyn Manson ? » demandais-je la voix taquine. Je sens qu'à l'autre bout du combiné elle hésite, je l'entends remuer. Finalement elle me réponds, quelque chose d'étrange dans la voix, comme une gêne. « Roh m'en parles pas ! J'ai cru que j'allais pleurer quand il est arrivé ! Le concert était grandiose, je sais pas comment j'ai fait pour ne pas mourir sur place ! Puis face à face, on aurait dit une gamine devant le père noël, je savais plus quoi dire !! Heureusement que j'avais préparé la moitié de mes questions à l'avance, j'ai pu faire pilote automatique les dix premières minutes de l'interview. On dirait pas comme ça, mais il est adorable en fait ! Mais damned qu'il est impressionnant ! » Malgré qu'il y ai quelque chose d'étrange dans sa voix, c'est surtout l'enthousiasme qui domine. Un enthousiasme que je comprends parfaitement. Marilyn Manson est son idole depuis qu'elle a dix ans, le rencontrer c'était certainement plus qu'elle n'aurait jamais pu imaginer. La conversation s'éternisa, lorsque le sujet Marilyn Manson fut épuisé elle reprit sa voix "normale", un ton plus fluide et direct, et on discuta de tout et de rien. Je n'ai pas vraiment hâte de recevoir la facture de téléphone à la fin du mois...


Souvenir de: Eric Hartwood
Date: 3 mars 2010
Lieu: bureaux Hollywood Music Mag, Hollywood, États-Unis
Titre: le numéro gagnant !
« Mon Dieu Gaïa, tu t'es déchainée sur cette article ! Il est démentiel ! » Assise dans le siège face à moi, de l'autre coté du bureau, l'interpellée me regarde avec son habituel sourire malicieux. Je ne regrette vraiment pas de l'avoir engagée celle-là. « Merci chef ! » sa voix est suave, un petit quelque chose de sensuelle se dégage d'elle. Pas étonnant qu'elle ait tant plus à mes collègues des ressources humaines. Elle me sourit plus franchement alors que je lui tend sa fiche de congés, elle les a bien mérité. «Passe de bonnes vacances, profite bien et reviens moi en forme, j'aurais certainement beaucoup d'articles intéressants à te proposer. » Elle se lève très gracieusement avec un sourire. D'un mouvement félin, elle sort de mon bureau sans se retourner. Cette gamine de vingt ans sait ce qu'elle vaut, c'est certainement sa plus grande force. L'autre est sa verve. Une vraie gossip girl en moins pimbêche, en plus professionnelle. Je ne saurais en être sur, mais depuis que ses articles se sont fait plus sulfureux et plus "garce" tout en restant justes et constructifs, les ventes du magazine ont augmentées... C'est du tout bon pour moi. Je relis une nouvel fois son papier sur le groupe allemand Tokio Hotel, récemment installé à Hollywood... ses lignes me donneraient presque envie d'écouter leur musique et pourtant elle n'est pas toujours très tendre avec eux. Elle finira haïe de tous ! Ça me plait !